Saison 1972 / 1973

 

 

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par Louis Lequette
 
 
L'hiver 1972 se terminait avec deux compétitions.
 
Les championnats de France internationaux et universitaires se déroulaient sans grand panache.
On ne pouvait comparer avec les retombées médiatiques de la coupe du monde.
Mais il faut savoir pour mériter de grandes compétitions en organiser d'autres de moindre importance.
 
Pour se détendre les stations du Sauze et de Pra loup organisaient une rencontre amicale.
Deux équipes des deux « Honoré », Honoré Couttolenc et Honoré Bonnet.
Cette rencontre renforçait les liens entre les stations, entre les hommes.
 
Le conseil décidait de ne pas construire de nouvelle remontée pour l'hiver 1973.
 
L'intendance devait suivre. Le service technique avait besoin de garages, d'ateliers.
Notre équipe avait besoin de confort.
Nous allions donc construire, restaurant d'entreprise, et atelier, confiés à l'entreprise Colombero.
Au dessus de ces garages nous organisions des vestiaires pour les employés, et une salle pour le comité d'entreprise.
La société grandissait.
La progression était satisfaisante.
 
Le développement des Molanes devait prendre forme, car la vente de terrains était nécessaire pour l'équilibre de nos finances et les constructions nouvelles à la progression de la fréquentation nécessaire à l'augmentation du chiffre d'affaires des remontées mécaniques.
 
Un contrat  pour une mission d'urbanisme était signé avec Jean de Alexandris sur un programme de 56.000 mètres de plancher à construire. Son frère, promoteur à  Aix en Provence se portait acquéreur de terrains.
 
La société des Motel du Gray d'Albion de Cannes décidait de vendre le fond de commerce de Pra Loup.
La cession allait prendre du temps. Les deux parties étaient conscientes des difficultés que représentait cette transaction, de l'importance que cet hôtel représentait pour Pra Loup.
La négociation allait se dérouler entre gens de même moralité, de même éducation des affaires.
Le transfert ne se fera que dans un an, pour l'hiver 1973.
 
Jacques Margnat faisait part au conseil d'administration de son souhait de bénéficier de ma collaboration pour réaliser une résidence sur le lot C2 coté nord.
Le conseil acceptait.
Messieurs Gandoulf et Bonnet informaient le conseil d'une nouvelle possibilité proposée par le Groupe Metra dont dépend l’OTH ; se lancer dans l'engineering.
Une société serait crée à Genève, la Satis Internationale.
Le conseil acceptait.
La Satis cherchait un nouvelle orientation.
 
En fait nous cherchions à alléger le poids de la direction.
 
La réalisation du lac de Costebelle, barrage poids, était entreprise par notre équipe.
Nous avions une réserve d'eau potable et d'incendie, en le raccordant au réseau.
 
La société des eaux n'ayant pas retenue l'attention des autres communes, nous la vendions à la SEERC pour le montant de son capital, soit trente mille francs.
 
Il fallait continuer à faire parler de Pra Loup.
La Mairie acceptait de prendre en charge le rassemblement de moto, « Le Chamois ».
Nous allions accueillir 12.000 motards dans le week end. Ils venaient de toute l'Europe et avec tous les modèles et cylindrés.
Toutes les catégories sociales étaient représentées. Les uns logeaient au Gray d'Albion, venus avec leur moto sur remorque, et chauffeur. Les autres avec des vieux clous, logeaient sous la tente, mais laissaient la priorité de leur abri précaire à leur deux roues. Il avait fallu  prévoir des douches, des toilettes précaires, des latrines.
Certains avaient juste le budget pour faire l’aller-retour.
Radio Monte Carlo assurait l'animation, dont le clous était une tombola. Cette tombola était dotée de motos et divers accessoires.
On ne pouvait tomber sur plus mauvais temps. Un orage d'une telle ampleur que l'eau de ruissellement envahissait nos bureaux. Soixante dix brebis furent foudroyées  sous la Dalle en Pente. Le Ravin de la combe débordait.
L'animation radio prévue par Monte Carlo était noyée, les câbles d'alimentation en électricité avaient pris l'eau. L'atmosphère était tendue. Des excités recherchaient le responsable et dans la station d'Honoré Bonnet, évidemment, ils le recherchaient. Il fût obligé de se cacher.
La mairie avait heureusement demandé que le service d'ordre soit confié à la brigade motorisée.
Entre passionnés des deux roues le courant allait passer.
Il n'empêche que cette affluence, la griserie qui en découlait, allait provoquer tant d'accidents que l'hôpital de Gap était saturé.
A la suite de ce rassemblement plus personne ne voulu organiser des rassemblements de cette ampleur.
 
Créer une station est une chose, la faire vivre une autre. La mono-activité, qui de plus repose sur des conditions météorologiques imprévisibles, m'inquiétait.
 
Le Docteur Grouès m'avait donné des bases sur le climat exceptionnel de la vallée.
Entre plusieurs maires nous lancions le label « les stations de la forme ».
La mairie acceptait de lancer une étude sur le climatisme. Avec mon ami, Jean Guy Cupillard, maire de la station de l'Alpe d'Huez nous engagions auprès du gouvernement les démarches pour aboutir au classement national de nos stations
Nous allions y arriver dans quelques années. Nous reviendrons sur la création d'un institut à Pra Roustan.
 
La vallée avec ses difficultés d'accès, l'absence de chemin de fer, était une réserve naturelle préservée.
Une réserve de santé pour les citadins en quête de bien être.
Il faut du temps et... durer pour réaliser, car un successeur croit toujours intelligent de faire autre chose, de démolir ou de ne rien faire.
 
La Mairie devait toujours rechercher des ressources nouvelles pour assumer ses nouvelles charges et ne pas augmenter les impôts. Les retombées fiscales en provenance de la station avaient un temps de retard.
La taxe de séjour constituait une ressource possible pour les stations classées nationales.
Mais sa méthode de perception avait un temps de retard.
Après que le montant de la taxe journalière était voté, il fallait un agent pour la percevoir chaque jour, auprès des loueurs de meublés ou autres propriétaires louant occasionnellement.
La « récolte » compte tenue des frais de recouvrement ne valait pas la peine.
De plus cette déclaration de « loueurs » rebutait, car le montant de la location devait être déclaré dans les revenus.
Nous avions une association, encore une, des maires des stations classées, thermale, de sport d'hiver, balnéaire. Cette taxe nous posait des problèmes.
 
Mes amis, François Besnard, Christain Bonnet, D'Ornano, Olivier Guichard, malgré ou à cause de leurs statures de personnalités nationales ne voulaient pas enfreindre la loi.
Ils m'observaient dans une phase de perception. Une expérience répréhensible qui fût suivie, un laboratoire d'essai.
Pour éviter les foudres, nous allions procéder de manière contractuelle partant du principe que « Les accords entre les partis font loi » 
Le contrat expliquait aux propriétaires que nous ne voulions pas les déranger chaque jour, que nous ne voulions pas être des agents relais du fisc, espionnant leur revenu, et qu'en  conséquence nous leur proposions; un forfait annuel modeste, qu'ils étaient priés d'accepter.
Cette expérimentation fût très lucrative, et après une période d'observation, le mode de perception de la taxe de séjour évolua.
 
Durant l'été, nous allions continuer l'aménagement des pistes.
Un seul propriétaire n'avait pas voulu contracter avec nous, Marcel  Ricaud. Il était partiellement propriétaire de la Garcine. Ce secteur était classé volontairement par tous les propriétaires sous la protection des Eaux et Forêts pour les risques d'avalanche. Une telle aliénation volontaire montrait l'importance du risque que ces anciens jugeaient, qu'ils avaient connus.
Force « canon » de rouge piqué bu entre nous, n'avez pas eu raison de la détermination  de Marcel Ricaud qui nous interdisait de passer. C'était un érudit des œuvres de Marx.
Ce rouge était une épreuve pour l'estomac qui ne pouvait résister.
Honoré Bonnet qui avait la charge des pistes terrassait chez M Ricaud sans autorisation, sans concertation.
 
La mairie n'avait qu'à régler les problèmes de passage, elle devait prendre en charge les indemnités..... les travaux. Elle n'avait qu'à obtenir les accords  ou  procéder, par une D.U.P.
La mairie venait au secours de la Satis. Je réglais ce problème.
Les deux conseils me suivaient.
L'affaire allait se négocier par l'attribution de cartes gratuites à vie durant et pour toute la famille, et par le versement d'une indemnité, que la mairie mettait à la charge de la Satis, fautive!
Cet accord faisait l'objet d'un acte notarié et les servitudes étaient donc inscrites aux hypothèques.
Et oubliées......
Elle se termina par un drame. Des années après, pour ne pas nommer le responsable, nous dirons Transmontagne refusa de donner ces cartes. Les propos échangés furent très durs, inacceptables. Le fils vint me voir aux  « Blancs », me les rapporter et me demander que j'intervienne. Dans un état de surexcitation il reprit sa voiture. Il se tua dans le virage de la Maure Basse.
 
Le nombre de lits réalisés chaque année dans les stations nous semblait excessif. Nous allions vers la saturation, tout au moins momentanément. Françoise Arnaud écrivait ce livre « la neige empoisonnait ».
Le profit attirait et rendait fragile. La France avait du retard déclarait le commissariat au tourisme.
Les américains allaient venir faire du ski chez nous, ce n'est pas plus loin que les Rocheuses.
S'opposer à la création d'une station de basse altitude, d'un stade de neige, était malvenu, une attitude d'égoïste qui veut se réserver le marché.
 
La station de Merlette allait, la première, faire les frais de cet excès.
« Le déficit de l'opération est en effet voisin fin  1972, de 15 millions de francs.
On traduisait en ancien francs pour faire plus d'effet, un milliard cinq cent millions...
Le Président Didier, le conseil général avait donné la garantie du département, plusieurs fois.
Et tous découvraient.... la situation.
Paul Dijoud, député montait aux créneaux. Les journaux relataient les moindres détails
«gestion scandaleuse compliquée d'imbécilités »
Crise d'adolescent qui pousse trop vite. Crise politique!
La S.E.D.H.A , la S.C.E.T société de service de la caisse des dépôts étaient montrés du doigt!
 
Le patron de la caisse des dépôts, Monsieur Richard, vint à Pra loup, pour un séjour et observer.
 
Cet exemple devait nous pousser à la prudence, tant pour la Mairie que pour la Satis. La commune d'Uvernet était citée en exemple. Laissons les journaux en parler  
 
Nicolas West et Jo Garcin dirigeaient la Foux d'Allos. Ils étaient heureux d'organiser les championnats de France, qu'ils avaient obtenu.
Les Espoirs de l'Equipe de France allaient faire grève, ne pas prendre le départ de la descente.
Faut-il relater les détails de cette fronde, et son but publiquement inavouable ?
Qui les a poussés à faire grève?
Tous les grévistes furent « vidés » de l'équipe de France par le colonel Crespin, alors  directeur des sports. Il n'était pas éclairé......
Je ne pouvais savoir que cette affaire dont j'ai été le témoin involontaire allait avoir de telles répercussions sur le devenir de l'équipe de France et sur la Satis.
L'équipe de France, ainsi décapitée, ne pouvait plus« sortir de médaillés »
Les « exclus » de l'équipe de France étaient invités par Honoré Bonnet l'hiver suivant, le 16 février et ils étaient selon le journal Le Provençal, applaudis par « des milliers de personnes ».
 
Quarante ans après, un témoin m'écrit sur  cette période de 1972 «  ce que je peux en déduire c'est un gâchis énorme, la transmission d'un savoir passe toujours par la confrontation avec l'expérience et notre équipe qui avait eu tant de succès a été confrontée à une baisse de régime que les responsables n'ont pas su gérer et un trou énorme a mis à mal le ski Français pendant de nombreuses années...... »
et d'ajouter  « nul n'est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre »
Pourtant personne ne pouvait l'ignorer.
Les jeunes avaient été manipulés, le Colonel abusait. « Nul n'est plus sourd..... »
Le but était atteint.
Si rien n'a donc été révélé...... un malaise était né, et il fût profond et durable.
 
L'été fût fade.
Nous faisions, bureau séparé, la communication interne devenait moins constante.
André Gandoulf disait « c'est mieux pour Pra Loup »
Quel est donc le meilleur viatique.
 
Jean Sigrand avait entrepris la « Chapelle » de Pra Loup.
La Satis donnait le terrain, et faisait bonne œuvre.
Il avait fondé, l'association Saint François, dont son épouse, Jean Francois-Sigrand assurait la présidence.
La cloche avait été ramenée de Ain el Arbie d'Oranais, par des rapatriés.
Bénie en 1969 par Monseigneur Colin  de Digne, elle fût inaugurée en 1982 par Monseigneur Abele également de Digne.
La commune en a accepté la dévolution pour conserver le caractère cultuel.
L'architecte était Monsieur Pommier.

 

 

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